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Hugues-Adhémar CUENOD, Ténor bouffe, contre-ténor, comprimario et concertiste helvétique (1902-2010)

Portrait oblong, de face dans Tanzmeister (Ariadne auf Naxos), instantané pris dans le cadre d’une édition de l’opéra de Richard Strauss au Festival de Glyndebourne où Hugues Cuénod donne plus de 380 représentations, sans date. Hugues Cuénod ou le témoin d’un siècle … Longue et éclectique carrière internationale incluant la musique ancienne jusqu’à la création contemporaine, avec des incursions réussies dans l’opérette, la comédie musicale, l’oratorio et la mélodie … Un long parcours magistralement géré avec une voix au timbre lumineux somme toute petite, mais parfaitement bien conduite, ronde et égale sur toute la tessiture, qu’il garde étonnamment fraîche au-delà des 90 printemps. Il chante d’abord au concert en Suisse, en Autriche, puis en France, où il débute au Théâtre des Champs-Elysées (Paris) pour la première française de Johnny spielt auf (opéra d’Ernst K?enek, 1928.) Dès 1929, l’année du krach boursier de Wall Street, il entreprend une série de concerts aux Etats-Unis où il crée Bitter Sweet (opérette en trois actes de Noël Coward qui remporte un retentissant succès : près de 350 représentations.) Fort de ces succès, il poursuit sa découverte d’œuvres méconnues et crée à Venise The Rake’s progress en 1951 (Sellem), qui voit peu après sa création à Milan (Teatro alla Scala.) Tout en participant à d’innombrables concerts, il étoffe sa galerie de personnages en incluant le Capitaine (Wozzek), l’Astrologue (Le Coq d’or), le Maître à Danser (Tanzmeister dans Ariadne auf Naxos), la partie de contre-ténor (Carmina Burana), la partie de ténor (Les Noces), et des dizaines d’autres rôles. A l’âge de 85 ans, il ajoute l’Empereur Altoum (Turandot au Metropolitan Opera) ou à 92 ans, Monsieur Triquet (Eugène Onéguine, à Mézières, Suisse.) Igor Stravinsky, frappé par les qualités interprétatives du ténor lui dédie sa Cantata (Cantate sur des textes médiévaux anglais), qu’il crée à Los Angeles (1952.) Le ténor fréquente assidûment les cercles et salons musicaux. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Nadia Boulanger, pianiste, organiste, compositrice, chef d’orchestre et pédagogue française (1887-1979), figure de proue de la vie musicale du XXème siècle. C’est elle qui l’oriente progressivement vers la musique ancienne avec des compositeurs tels que Monteverdi, De’Cavalieri, Caccini, Palestrina, Cavalli, Lulli, Couperin, Clérambault, Purcell, Rameau, Purcell, Bach, Haendel, etc. Hugues Cuénod aime interpréter les Messes et les Passions de Bach, dont il est un magnifique Evangéliste (Passion selon Saint Mathieu.) Lors de ses concerts et récitals, il montre toute l’étendue de son talent : texte, musique, émotion, maîtrise, rapport avec le public, et puis la voix. Chez lui, la voix n’est qu’un élément faisant partie d’un ensemble de qualités : la qualité de l’émission prime sur le volume, la clarté de la diction, l’incisivité du mot sont plus forts qu’un beau son mais désincarné. Tout au long de sa carrière, le ténor interprète des centaines, voire des milliers de mélodies, insufflant à chacune un art incomparable dont lui seul est le maître. Il laisse un précieux legs discographique. Parallèlement à sa carrière, il se consacre à l’enseignement, en se montre un extraordinaire pédagogue. Il chante au Théâtre Royal de la Monnaie Lucano (L’Incoronazione di Poppea), Erice (L’Ormindo) et Linfea (La Calisto, 1970-1972.)

Sur une note plus personnelle, Hugues Cuénod représente pour l’auteur l’éternel dandy anglais : suprêmement élégant à la scène comme à la ville et doté d’un sens de l’humour décapant. Son intelligence, sa vivacité d’esprit, sa perception d’autrui, sa générosité d’âme, couplées à sa stature d’artiste, font de lui un éternel musicien, délicieusement irremplaçable.
Photographie : D.R.
Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles®

 

Lettre autographe signée, accompagnant la photographie dans Tanzmeister (Ariadne auf Naxos), Festival de Glyndebourne, 5 juillet.
Fonds musical Claude-Pascal Perna, Bruxelles®